L'escapade amoureuse

C’était en 1976, je démarrais dans la vie professionnelle et mon amoureux, finissant ses études, était sursitaire pour son service militaire. 

Quand le jour J est arrivé, je ne pouvais pas le laisser partir comme ça, j’avais pris deux jours de congés pour l’accompagner à son rendez-vous à Metz. Nous avons pris le train la veille de Lyon, gare de Perrache, correspondance à Dijon, espérant passer une dernière nuit ensemble à Metz avant la grande séparation. Après un  interminable voyage, nous sommes enfin arrivés en début de soirée. Aussitôt, nous nous sommes mis en quête d’un hôtel,  imaginant déjà une dernière folle nuit d’amour. 

Premier hôtel : complet !

Deuxième hôtel : plus de place !

Troisième hôtel : pas de chance plus une chambre de libre !

C’est enfin au quatrième hôtel que le réceptionniste nous dit Vous ne trouverez rien de libre tous les hôtels de Metz ont été réquisitionnés pour le Congrès.

Il faisait nuit. Bredouilles, nous nous sommes installés au buffet de la gare pour manger un sandwich. La fatigue commençait à nous gagner, nos paupières devenaient lourdes et, malgré la lumière violente des plafonniers, nos yeux se fermaient tout seuls. Au bout de plusieurs heures passées assis sur des chaises inconfortables, nous avons eu besoin de nous allonger. J’étais prête à m’endormir n’importe où, sur un banc, un muret où tout ce que nous trouverions de plat pour nous étendre. C’est alors que dans un petit recoin de la gare, à l’abri des regards nous avons dégoté, quel luxe, des cartons dépliés posés à même le sol. Ils étaient propres et nous n’avons pas hésité à nous y allonger  sans demander notre reste. 

Nous n’avons pas vraiment réussi à nous endormir, inquiets d’être délogés par une éventuelle ronde de policiers. Mais personne ne nous a vus et nous avons pu y rester jusqu’au petit matin. 

Courbatus et sales, nous avons rejoint le buffet pour un petit déjeuner puis j’ai accompagné mon amoureux à son train à destination du premier régiment de  Spahi en Allemagne. Par la vitre baissée, il me faisait signe de la main lorsqu’il a disparu au bout du quai. L’âme en peine, je me suis mise en quête d’un train pour mon retour à Lyon. 

Le compartiment que j’occupais était vide et je ne me suis pas fait prier pour m’allonger sur la banquette. Bercée par le tangage du wagon et le bruit du roulis, je n’ai pas mis longtemps à m’endormir d’un sommeil profond. 

C’est une voix nasillarde puissante qui m’a tirée brusquement du pays des songes, le contrôleur réclamant mon billet. Après lui avoir montré, je n’ai pas réussi à me rendormir, je ne devais pas louper la correspondance de Dijon. 

A Dijon, j’ai eu la surprise de voyager à bord d’un des premiers trains Corail. C’était bien moins confortable que nos bons vieux trains à compartiments. Il arrivait de Paris et était bondé. J’étais assise, coincée entre un imposant bonhomme ventru d’un côté et une dame qui prenait toute la place de l’autre. Je ne pouvais plus bouger et, finalement, c’est calée au milieu de leur chaleur humaine que je me suis laissée aller dans le sommeil, la tête dodelinante. Je crois qu’à l’arrivée elle était appuyée contre l’épaule du gros monsieur.

Voila comment s’est terminée l'escapade amoureuse. 


J'ai découvert que Bernard Lavilliers avait écrit Le buffet de la gare de Metz en 1975.


https://www.youtube.com/watch?v=QOW1bBDQ_G0

Commentaires

  1. Quand on est jeune, très amoureux, et qu'une séparation est en vue, peu importe le décor qui servira de cadre à la dernière nuit ! Certes, coucher dans un buffet de gare allongés sur des cartons, est très loin d'être l'idéal, mais comme dit l'autre, à la guerre comme à la guerre...Et puis le souvenir de cette nuit restera encore plus présent...
    Un épisode amoureux très émouvant, très bien raconté, Myrte.
    À bientôt

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    1. Oui Antoine, si tout s'était bien passé je ne le raconterais pas aujourd'hui et ça n'aurait aucun intérêt.
      A bientôt

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  2. L'histoire de cette escapade m'a quand même fait sourire parce que je me suis pris à
    l'imaginer dans un scénario comique, de ces films où l'on va de gag en gag, et où rien ne se déroule comme le voudraient les protagonistes. Désolé ! ;-)
    Mais tout ça c'est la faute du congrès, qui aurait dû quand même être organisé à une autre date !
    Cependant, ça fait des souvenir qu'on n'oublie pas ! Et comme dit Antoine tu racontes tout cela parfaitement bien. Et on est quand même désolé à posteriori pour vous deux.

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    1. Mais ne sois pas désolé d'avoir souri Alain, c'était l'objectif de mon texte. Quand je repense à nous sur ces cartons c'est assez cocasse quand même.

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  3. Oui, bien sûr, la nuit aurait pu être plus romantique (sourire), mais les circonstances en ont décidé autrement. Entre ce que l'on imagine et ce qui se passe vraiment, il y a parfois un fossé. Vous deviez être très déçus tous deux, mais bon, vous vous serez sûrement rattrapés lors d'une autre permission...
    Bonne fin de journée, Myrte. Merci pour ce joli récit.

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    1. Françoise, la nuit n'a pas été romantique et nous a paru très longue alors qu'elle aurait dû nous paraitre très courte.Les éléments étaient contre nous et on en rit encore.

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