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La main du maître

J’avais dix ans lorsque mon sein gauche s’est mis à pousser comme un petit bouton de rose. Mais il n’y avait que le gauche. J’étais en CM2 à l’école française Auguste Renoir de Marrakech. Je regardais mes camarades de classe, certaines étaient plates, d’autres avaient des poitrines développées, mais aucune n’avait un seul sein. Je m’inquiétais et commençais à penser que je ne serai jamais normale. Femme à un seul sein dans une foire, entre la femme à barbe, l’homme éléphant, la femme sirène, les frères siamois, quel serait mon destin ? Ma mère m'emmena chez le médecin qui nous rassura, disant que c’était courant, le sein droit pousserait bientôt. Je me mis à surveiller quotidiennement ce bouton qui ne sortait pas. Le temps me parut très long.   Un jour, en classe, nous faisions un exercice sur nos cahier du jour. Le maître passait dans les rangs, les mains dans le dos jetant des coups d’oeil à droite et à gauche sur notre travail. Très appliquée, je trempais ma plume dans l’encre v

L'escapade amoureuse

C’était en 1976, je démarrais dans la vie professionnelle et mon amoureux, finissant ses études, était sursitaire pour son service militaire.   Quand le jour J est arrivé, je ne pouvais pas le laisser partir comme ça, j’avais pris deux jours de congés pour l’accompagner à son rendez-vous à Metz. Nous avons pris le train la veille de Lyon, gare de Perrache, correspondance à Dijon, espérant passer une dernière nuit ensemble à Metz avant la grande séparation. Après un   interminable voyage, nous sommes enfin arrivés en début de soirée. Aussitôt, nous nous sommes mis en quête d’un hôtel,   imaginant déjà une dernière folle nuit d’amour.   Premier hôtel : complet ! Deuxième hôtel : plus de place ! Troisième hôtel : pas de chance plus une chambre de libre ! C’est enfin au quatrième hôtel que le réceptionniste nous dit Vous ne trouverez rien de libre tous les hôtels de Metz ont été réquisitionnés pour le Congrès. Il faisait nuit. Bredouilles, nous nous sommes installés au buffet de la gare po

Le charançon rouge

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Ce matin dans la rue j’ai failli marcher sur un insecte couché sur le dos, les pattes en l’air sur le trottoir. J’ai pensé qu’il était mort car il était inerte. Du bout du pied, je l’ai retourné sur l’autre face pour voir de quelle bestiole il s’agissait et à ma grande surprise il s’est mis à trottiner en boitillant et a rejoint le caniveau. Il m’a semblé reconnaitre le charançon rouge, celui qui s’introduit dans le tronc des palmiers pour le dévorer de l’intérieur jusqu’à le détruire entièrement. Je me suis dit zut j’ai sauvé un tueur de palmier !   Il faut savoir qu’en moins de dix ans pratiquement tous les palmiers d’Ajaccio ont été éradiqué de la ville. Les palmiers qui faisaient la fierté de notre résidence ont disparu les uns après les autres. Ceux du boulevard du bord de mer qui auraient été plantés sous Napoléon s’éteignent peu à peu. La place Foch va être replantée avec de nouvelles essences au grand dam des anciens d’Ajaccio qui continuent à l’appeler la place des palmiers. B

Mon ami Claude

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Il s’appelait Claude, il était mon ami, un ami singulier. Je l’avait rencontré à l’anniversaire d’une copine. Claude était parmi les invités. La soirée se passait au sous-sol de la villa des parents de cette copine à Bron. J’avais pris le bus pour m’y rendre, je n’avais pas encore mon permis de conduire. Claude faisait rire tout le monde. Il avait des petites lunettes rondes cerclées de métal à la John Lennon comme moi, c’était la mode de l’époque. Quand il a vu que je riais, il est venu s’assoir près de moi par terre, m’a demandé mon petit nom et si j’étais d’ici. J’ai répondu que j’habitais à Lyon mais que je n’étais pas d’ici, que je venais de Marrakech. Il a répondu j’en étais sûr, ça se voit à tes yeux, moi je suis de Tunis. Je ne sais pas comment il voyait ça mais je trouvais qu’on avait les mêmes yeux et ce n’était pas seulement l’effet des lunettes. Je lui trouvais un air de famille.   On a bavardé et ri. J’étais heureuse et étonnée qu’il s’intéresse à moi. Il avait quelques a