La main du maître
J’avais dix ans lorsque mon sein gauche s’est mis à pousser comme un petit bouton de rose. Mais il n’y avait que le gauche. J’étais en CM2 à l’école française Auguste Renoir de Marrakech. Je regardais mes camarades de classe, certaines étaient plates, d’autres avaient des poitrines développées, mais aucune n’avait un seul sein. Je m’inquiétais et commençais à penser que je ne serai jamais normale. Femme à un seul sein dans une foire, entre la femme à barbe, l’homme éléphant, la femme sirène, les frères siamois, quel serait mon destin ? Ma mère m'emmena chez le médecin qui nous rassura, disant que c’était courant, le sein droit pousserait bientôt. Je me mis à surveiller quotidiennement ce bouton qui ne sortait pas. Le temps me parut très long. Un jour, en classe, nous faisions un exercice sur nos cahier du jour. Le maître passait dans les rangs, les mains dans le dos jetant des coups d’oeil à droite et à gauche sur notre travail. Très appliquée, je trempais ma plume dans l’encre v...