Devoir de Lakevio N° 198
Enfance au Maroc
Ce dessin évoque mon enfance et mes années de primaire à Marrakech à l’école française Auguste Renoir. Mes camarades s’appelaient Dominique, Khadija, Amina, Thierry, Farid.
Hassan, qui nous conduisait chaque matin à l’école dans la fourgonnette, mettait ses propres enfants à l’école musulmane mais beaucoup de familles marocaines préféraient l’école française. Ils avaient le souci de leur intégration à cette population dominante qui occupait les postes les plus intéressants et ils espéraient pour eux un avenir meilleur que le leur. Ces enfants avaient plus de difficultés que nous à l’apprentissage du français et se sentaient inférieurs à cause de leurs classements dans les derniers. Cela les rendaient discrets, effacés et studieux. Leurs parents leur demandaient d’être sages et d’écouter. Je savais qu’à la maison ils parlaient arabe, ce qui faisait d’eux des enfants bilingues.
Moi, petite fille française née au Maroc, j’avais conscience que ce pays n’était pas le mien même si mes parents y étaient nés aussi, mais je n’en connaissais pas d’autre. Je savais que nous étions chez les Marocains et, malgré cela, à l’école j’ai toujours eu l’impression qu’ils se sentaient chez nous.
Dans la cour de récréation, lorsque nous jouions aux billes ou à la corde à sauter, ils nous regardaient de loin, avec réserve, et ne se joignaient à nous que si nous les y invitions.
Nous regardions les cartes de géographie de la France accrochées au tableau en idéalisant les plaines vertes, les collines et les hauts sommets. Les jours de grande chaleur, devant les traces bleues des fleuves et des rivières je ne rêvais que d’y boire leur eau bien fraîche.
Devant les illustrations de paysages enneigés du livre de lecture, j’avais du mal à imaginer à quoi pouvait ressembler un flocon.
Nos fêtes chrétiennes étaient fériées et celles des musulmans aussi : l’aïd-el-Kebir et d’autres ainsi que le vendredi qui est leur dimanche. A cause de la chaleur, dès le quinze juin, nous n'avions plus classe l'après-midi. Cela faisait pas mal de jours sans école.
J'ignorais alors que des Marocains choisissaient d’aller vivre en France. Je n’avais jamais entendu parler de l’immigration et j’étais loin de penser qu’un jour leur intégration poserait problème. Que ce problème serait si important qu’il deviendrait politique.
Ma classe de CE1 école Auguste Renoir de Marrakech (46 élèves !)
une belle classe et un beau défi pour la maîtresse avec 46 élèves si divers!
RépondreSupprimerOui Adrienne, en l'occurrence c'était un maître dont j'ai gardé un très bon souvenir.
SupprimerC'est un beau témoignage que tu nous livres. Mes enfants sont nés en région parisienne, alors que nous sommes de purs provinciaux. Cette mixité dont tu parles, ils l'ont connue et s'en sont imprégnés. Ils ont appris à vivre cette richesse. L'histoire devrait être riche d'enseignement pour tout le monde.
RépondreSupprimerC'est un beau témoignage délia, merci.
SupprimerTa photo me rappelle la photo classe de mon père à Mostaganem.
RépondreSupprimerEt les problèmes ne sontapparus dans mon quartier qu'au milieu des années 50 avec le début "des évènements"...
l'Algérie et le Maroc n'ont pas du tout la même histoire. Mostaganem est le lieu de naissance de la mère, fille d'immigrés espagnols
SupprimerMa mère
SupprimerIl est odieux ce dessin !!!???
RépondreSupprimerBien sûr qu'il est odieux ce dessin, c'est pour une consigne d'écriture et il est volontairement provocant.
SupprimerCes échos de ton enfance au Maroc font du bien à lire.
RépondreSupprimerCe que tu dis à propos de la neige m'as rappelé un souvenir. J'étais en troisième ou en seconde, je ne sais pas dater exactement. J'étais copain avec un Camerounais qui venait chez moi avec sa guitare. Cet hiver-là, il a pas mal neigé. Il était tout fou fou de découvrir la neige avec une joie débordante. Je n'ai pas oublié…
Je garde ce copain une chance de l'avoir rencontré.
Qu'est-ce qui s'est passé depuis pour arriver à ce rejet de tout ce qui n'est pas « nous » ! ?
Alain, je crois que les enfants n'ont pas naturellement ce rejet, il apparait quand ils se mettent à entendre les propos racistes des adultes. Dieu sait si j'en ai entendus enfant, ils me choquaient mais ne m'empêchais pas d'avoir de l'empathie pour les petits marocains avec qui je jouais. Je crois que j'ai eu très tôt conscience de ce phénomène qui me répugnait. Ce qui me scandalisait le plus c'est cette attitude soumise et respectueuse que les Marocains adoptaient vis à vis des Français pour être bien vus, surtout à l'école. En dehors de l'école je jouais avec eux d'égal à égal mais il m'est arrivée aussi de me faire caillasser par des bandes hostiles d'enfants marocains que je ne connaissais pas.
SupprimerC'est sympath d'avoir une autre vision, un français à l'étranger, né sur le sol étranger...C'était au temps de la colonisation ? On ne connait pas bien l'histoire des français au Maroc, en Tunisie..L'Algérie, oui, dont le départ de ce pays des "pieds noirs", pays qu'ils aimaient, ne s'en sont jamais remis et ont eu des regrets éternels d'avoir perdu leur pays. Ca doit faire la même chose en France....Si je comprends bien, les enfants ne se mélangeaient pas ? Est-ce parce que les français avaient les meilleurs postes et les locaux n'étaient que des employés au service des français ? Lutte des classes en somme...D'ailleurs, parait que dans nos départements d'Outremer, les gens restent entre eux et peu se mélangent...à la Réunion tout au moins..
RépondreSupprimerBienvenue Julie ! C'était fin des années 50 début des années 60. Il y a eu une guerre aussi entre Marocains et Français au début du siècle dernier qui s'est soldée par un protectorat français qui a été aboli en 1956. Cela a été beaucoup moins violent qu'en Algérie, d'ailleurs peu de gens connaissent cette histoire. J'avais entendu enfant des histoires entre adultes sur des représailles mais rien de précis, on ne parlait pas de ça aux enfants.
SupprimerEtrange ce sentiment dans cette école ou chacun se sentais "chez l'autre". Cela me fait penser à mes neveux, nés d'un père tunisien, et d'une mère française. Ils ont vécu en Tunisie avec leurs parents, milieu aisé. Ils ont fait leurs études en France. Puis sont retournés en Tunisie pour travailler, puis sont venus essayer de travailler en France, puis finalement sont retournés en Tunisie.
RépondreSupprimerJe ressent moi-même le sentiment de d'être de nulle part et de partout. Pas vraiment d'appartenance.
SupprimerLorsque parfois tu évoques ton parcours de vie, on comprend ce sentiment que tu exprimes ici. Peut-être qu'un jour tu évoqueras ce qu'il en est pour toi du « sentiment d'appartenance ». Tu dis : « pas vraiment »… et cependant… je pense foncièrement que chacun de nous est libre et qu'en même temps « il appartient à… » mais à quoi ? À qui ?…
SupprimerCe n'est pas une demande, c'est juste un intérêt pour une question que je me pose moi aussi…
(pardon si je suis trop intrusif)
Alain, je ne trouve pas ton commentaire intrusif mais très pertinent car c'est une question que je me pose et à laquelle j'ai du mal à répondre.
SupprimerLorsqu'on demande aux gens d'où ils sont, en général ils répondent le nom d'une région, d'une ville ou d'un pays. On ne m'a jamais répondu "je ne sais pas trop". Moi, je me sens française mais je ne saurais dire d'où. C'est dans la région lyonnaise que j'ai passé le plus de temps et en plus j'ai épousé un Lyonnais. J'aime bien cette ville mais je n'ai pas ce sentiment d'appartenance. Pour faire simple, je réponds souvent de Lyon sans trop y croire. Maintenant, je vis en Corse d'où sont mes ancêtres paternels mais bon, je ne suis pas corse non plus. Sinon, à qui ou à quoi j'appartiens ? En ce moment je dirais à mes petits-enfants parce que ça me plait de l'être, je suis leur mamie et c'est sacré pour eux.
Tu as vécu le drame des familles expatriées, qui ensuite, ont parfois du mal à s'implanter, à considérer qu'ils font partie d'une région, d'une ville déterminée. Heureusement; au fil des ans, les nouvelles générations arrivent, qui n'ont pas connu "l'autre côté", tu as donc bien raison d'invoquer les petits-enfants, ils sont l'avenir, et leur amour est inconditionnel.
RépondreSupprimerBonne soirée, Myrte
Oui Antoine, mes petits - enfants sont tous nés à Ajaccio et ne connaissent pas trop le continent. Je me demande comment ils vivront loin de leur île s'ils ont à le faire. Je m'aperçois que souvent les insulaires ont ce besoin de retour dès qu'ils s'éloignent.
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