Le tableau
Ma soeur aînée a toujours excellé en dessin et arts plastiques.
C’est un domaine que j’aimais beaucoup aussi et je n’étais, ma foi, pas trop mauvaise mais pas aussi douée qu’elle. Disons qu’elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait alors que moi non. J’en étais très admirative. Sa voie était tracée, elle fit l’école des Beaux-Arts de Lyon.
J’envisageais de suivre le même chemin qu’elle et, dans un premier temps, après la classe de troisième, m’inscrivis au lycée Ampère de la seconde à la terminale dans la section A7 (Littéraire + Arts plastiques). Le lycée Ampère en était le précurseur. A la base, c’était un lycée de garçons mais cette section était exceptionnellement mixte.
Finalement, je ne suis jamais allée aux Beaux-Arts car j’ai changé de direction mais j’ai toujours gardé un goût particulier pour l’expression artistique.
Adolescente, je me suis essayé à différentes techniques. La peinture à l’huile ne m’a pas plu et j’ai réalisé quelques aquarelles mais c’est dans l’acrylique que je me suis le mieux sentie.
Sur les murs de la chambre que je partageais avec ma soeur étaient accrochés ses tableaux, des huiles figuratives et quelques réalisations de mon cru complètement abstraites.
Mon père était très admiratif de ses talents et regardait amusé mes gribouillages sans faire de commentaires. Je l’acceptais sans jalousie car il était évident que je ne lui arrivais pas à la cheville.
Or, mon père avait un jeune collègue musicien qu’il invita un jour chez nous. Dans la discussion, il fut amené à évoquer le travail de ma soeur et l’amena dans notre chambre pour lui montrer. J’étais absente, c’est mon père qui me le raconta.
Le collègue, pas insensible à l’art, admirait les tableaux lorsqu’il s’arrêta soudain contre toute attente devant un des miens. Une simple feuille de dessin Canson punaisée au mur au milieu des oeuvres encadrées de ma soeur.
La peinture était très abstraite. Dans un mélange de couleurs très vives, j’avais réalisé des formes psychédéliques au centre desquelles apparaissait un clavier de piano complètement déstructuré.
Mon père sourit en disant que c’était un de mes délires mais le collègue s’enthousiasma, demandant s’il me serait possible de lui en peindre un dans le même style, en plus grand pour accrocher au-dessus de son piano.
Lorsque je rentrai du lycée et que mon père m’annonça cela, je n’en revins d’abord pas, puis je ressentis une grande fierté. J’avais l’impression d’être reconnue dans ce que je faisais. C’était très gratifiant. Cela ne m’arrivait pas souvent.
Je m’attelai alors à la tâche en y mettant toute mon application et mon coeur. C’était ma première commande, y en aurait-il d’autres ? Non, c’était la première et la dernière.
En retour mon père me rapporta que son collègue avait été émerveillé. Il lui avait remis pour moi une petite lettre de félicitation dans une enveloppe avec un billet de 100 francs, ce qui n’était pas rien. J’étais très touchée.
Comme nous avons souvent déménagé, je n’ai pas retrouvé le modèle initial. Je soupçonne ma mère de s’en être débarrassé car elle avait tendance à tout jeter sans nous demander notre avis.
Aujourd’hui, en y repensant, j’aimerais revoir cette commande. J’aurais dû la prendre en photo.
C’est dommage mais, quoiqu’il en soit, j’ai gardé en mémoire ce moment parfait, mon heure de gloire.
Dommage que tu n'aies pas traces de cette peinture abstraite. D'autant qu'elle a eu du succès auprès de cet homme musicien qui te passa commande. Il reste à ton lecteur de l'imaginer ! C'est amusant car il m'est venu en mémoire une œuvre abstraite où il y avait aussi un piano déstructuré et un violoniste stylisé et qui avait servi de support dans un atelier d'écriture auquel je participais.
RépondreSupprimerFaute d'en avoir traces, n'as-tu jamais pensé à la reproduire à nouveau ?
Voilà un talent qui est peut-être resté en friche…
Non je n'ai jamais pensé à reproduire cette peinture, d'ailleurs j'en serai incapable car j'en ai un peu oublié l'essentiel de sa composition. Je peins beaucoup moins actuellement sauf avec mes petits-enfants. Je préfère écrire. Parfois je me dis que je devrais de m'y remettre.
SupprimerConnais-tu l'auteur du tableau auquel tu fais allusion ? Ou bien en aurais-tu l'image ?
Malheureusement je ne me souviens plus du nom de l'artiste et je n'ai pas retrouvé trace de l'œuvre en question, après avoir fait une recherche sur le net.
SupprimerC'était un peu dans le style de Dominique Guillemard question « élan » mais en plus déstructuré.
https://www.artnet.com/WebServices/images/ll00224lld096FFgBeECfDrCWvaHBOcFJNC/dominique-guillemard-violoncelliste-partait-en-vacances-le-lendemain.jpg
Merci Alain pour ta recherche. je ne connaissais pas Dominique Guillemard mais j'aime beaucoup le tableau que tu as partagé.
SupprimerDans l'art, tout est subjectif. Une œuvre d'art, considérée comme très belle, peut laisser le cœur indifférent, car trop parfaite, alors qu'une peinture plus modeste, peut vous faire chavirer...
RépondreSupprimerPourquoi ne reprendrais-tu pas la peinture, Myrte ? :-)
Je suis complètement de ton avis Françoise, l'art en général c'est avant tout une émotion.
SupprimerFigure-toi que je me suis remise à la peinture cet après-midi avec mes petits-enfants. Je leur fais choisir une oeuvre parmi celles de peintres célèbres et ils en font une libre interprétation. Ils aiment bien cet exercice. Je m'y suis mise avec eux. C'est un début...
Je vais faire redondance avec Françoise : "Dans l'art, tout est subjectif" car tout est affaire d'émotion
RépondreSupprimerBien sur Suzame. J'avoue que j'aimais bien cette peinture qui a plu à l'ami de mon père puisque je l'avais épinglée au mur.
SupprimerL'important, quel que soit l'âge, les possibilités, le niveau que l'on souhaite atteindre...c'est l'envie ! L'envie de peindre, d'écrire, de jouer de la musique, et tout le reste suit...ou pas, mais l'important comme dit l'autre, c'est de participer, et surtout, de se faire plaisir.
SupprimerÀ bientôt
Hé ! De retour Antoine Delmonti ! Oui, l'envie doit être là dans tout ce que nous faisons sinon quel ennui !
SupprimerC'est un récit très touchant ! On devrait toujours photographier ce qui reste de "devenir éphémère".
RépondreSupprimerJ'ai oublié de signer : c'était Nikole.
RépondreSupprimerOn photographie plus facilement aujourd'hui qu'à l'époque !
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